Le souffle d'Erya
Cédric Michel BOUET
Prologue
Zharra fut réveillée par une violente commotion qui faillit la projeter hors de son siège. Xyleth venait de se poser en catastrophe au milieu d'une étroite vallée enneigée qu'entouraient de hautes montagnes. La tête sur le côté et le cou invraissemblablement contorsionné, le grand dragon ne bougeait plus.
Empêtrée dans ses rondeurs et encore tout engourdie de sommeil, elle se glissa hors des fourrures sous lesquelles elle était enfouie puis, soutenant d'une main l'ovale de son ventre douloureux, se laissa descendre sur une épaisse couche de neige où, assaillie de contractions comme elle n'en avait encore jamais connues, elle dut s'immobiliser quelques instants. L'atterrissage chaotique sans nul doute, se dit-elle. Le moment était mal venu.
Pour autant ses pensées allaient à Xyleth dont le silence l'inquiétait davantage encore. Reprenant son souffle, elle s'approcha pleine d'appréhension de sa puissante et majestueuse tête. Les yeux grands ouverts, Xyleth ne respirait plus.
Luttant contre l'évidence du drame, se refusant à l'accepter, elle demeura là immobile à le regarder un long moment. Etait-ce là la conclusion de ce long périple, de cette fuite éperdue? Elle se refusait à croire que tous les sacrifices auxquels ils avaient consentis aient été vains.
Xyleth les avait protégés elle et son enfant jusque dans son dernier souffle. A mesure que la stupeur cédait le pas à la réalisation qui s'insinuait en elle, la bousculait dans ses tréfonds, elle acquit l'irrépressible certitude qu'elle était responsable de sa mort, qu'elle l'avait tué, lui son ami qui jamais n'avait questionné cet incensé projet.
Elle ne retint plus le cri de désespoir qui s'échappa de sa gorge en un râle inarticulé, la douleur à l'état brut, sauvage, incontrôlable. Elle s'effondra alors dans la neige secouée de sanglots qui s'entrechoquaient et menaçaient de l'étouffer et s'abandonna à l'impossible détresse qui l'envahissait tout entière.